mardi 18 février 2014

Ces cathos qui se réclament d'une anthropologie... tombée du Ciel !

Emmanuel Lazinier
-- Vous semblez nous dire que si il y a une réflexion sur l'homme, inévitablement on va aboutir a une réflexion sur Dieu, et que si donc on veut mettre Dieu à l'écart, eh bien on est obligé de passer outre cette réflexion sur l'homme [...] ?
-- Oui.
Étonnant, non ? Ce dialogue semble venu d'un autre âge, et pourtant il a eu lieu jeudi dernier 13 février 2014 sur les ondes de Radio Notre-Dame, dans le cadre de l'émission Le Grand Témoin, où Louis Daufresne recevait le jeune philosophe catholique Thibaud Collin, à propos de son livre Sur la Morale de M. Peillon (Salvator, septembre 2013) -- (ré)écouter. (le passage cité ci-dessus se trouve en 43:53)

Autre passage de la même veine :
« Nietzsche avait annoncé cette mort de Dieu donc cette disparition de Dieu comme principe de compréhension du monde et de la société, et la mort de Dieu allait être suivie progressivement de la mort de l'homme [...] La mort de l'homme [...] c'est la disparition d'une compréhension de ce qui fait qu'un être humain est un être humain. D’où aujourd'hui, par exemple, la difficulté de plus en plus importante de nos contemporains pour comprendre la différence entre l'homme et l'animal  [...],  d’où la difficulté de comprendre quel est le fondement de la dignité humaine [...] » (44:28)
Extraordinaire, n'est-ce-pas ?

Thibaud Collin a en commun avec notre actuel ministre de l’Éducation de s'être intéressé de près à la pensée républicaine française du XIXe siècle. L'un a écrit un livre sur Pierre Leroux, l'autre sur Edgar Quinet. Comme je l'ai noté précédemment, Vincent Peillon a même une vague connaissance de Comte. On peut douter que la même chose soit vraie de Thibaud Collin, mais qu'importe : les deux ont un référentiel commun qui leur permet de dialoguer sur des questions tout à fait comtiennes comme celle de pouvoir spirituel. On note avec intérêt que l'un et l'autre acceptent cette notion -- sans être beaucoup obsédés par l'idée chère à Comte de séparation des deux pouvoirs. On sait que Peillon conçoit l'École républicaine comme un nouveau pouvoir spirituel. Quand à Thibaud Collin il la dénonce, très justement à mon sens, comme une religion de substitution ; ce qui n'empêche pas l'un et l'autre d'être apparemment d'accord pour conserver à l'école un rôle d'endoctrinement de la jeunesse : seul le contenu de l'endoctrinement sera différent selon l'un et selon l'autre.
La mission de l'école est d'abord de contribuer à la formation de l'être humain par le biais d'une formation de sa raison, notamment du sens de la vérité
« La-dessus vous êtes d'accord avec Vincent Peillon ! », remarque fort justement l'intervieweur.

Ce qui n'empêche pas notre philosophe catholique d'être très pertinent quand il dénonce l'idéologie de l'émancipation inséparable de notre École républicaine et le déni de la nature humaine hérité des Lumières qui en constitue l'ossature idéologique. Vincent Peillon et ses amis de la gauche de gouvernement n'ont pas d'anthropologie... et l'UMP n'en a pas non plus !, déclare-t-il  Tout ceci serait admirable s'il n'ajoutait pas que seule l'Eglise en a une !

Comment peut-on ignorer ainsi deux siècles de sciences biologiques, sociales et cognitives ? Comment des individus d'une telle culture historique et philosophique peuvent-ils manquer de culture scientifique au point de dénier pour les uns l'existence d'une nature humaine, et pour les autres d'oser affirmer que seul un Dieu peut nous la révéler ?

Et allez vous étonner après ça que Comte soit soigneusement maintenu aux oubliettes !

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